
Nous avons eu envie de demander à chacun des membres de Libre comme Lire ou de nos associations partenaires de partager avec vous tous son rapport à la lecture.
Aujourd’hui, c’est au tour d’Olivier Sauvage, co-fondateur de Libre comme Lire.
Mon premier souvenir de lecture, je crois, était celui-ci.
J’étais malade et mes parents m’avaient mis dans leur lit, sous une couette blanche comme de la neige, dans leur grande chambre bleue, et mon père, pour m’occuper m’avait sorti un album de Tintin : l’Île Noire. Une vieille édition qu’il avait lui même reçue de son père, pendant son enfance. C’était un dimanche matin. Tout était calme, tranquille, apaisant.
Chaque case, chaque page, chaque ligne, chaque trait, chaque mot, était un moment de bonheur et d’excitation. Je ne sais pas si j’y comprenais grand chose. Et, en vérité, je ne sais pas si je savais vraiment lire. Mais la force des dessins nets et précis d’Hergé, l’expressivité de ses personnages, Tintin, le Capitaine Haddock, des onomatopées dans les phylactères, le rythme des cases, tout me fascina, me plongea au cœur de l’histoire, sans qu’il me soit même nécessaire de comprendre les textes. C’était comme du théâtre muet, un ballet de petits personnages, s’agitant en tout sens, bondissant, criant, éructant, se bagarrant, me captivant, m’emportant dans les nuées pendant un temps qui me parut à la fois infiniment long et à la fois infiniment trop court, tant j’avais envie que ça continue, encore et encore, encore et toujours. À la fin de la lecture, j’en redemandais encore. Comme à la descente d’une attraction de fête foraine dont on sort un peu groggy, et dont on voudrait bien refaire un tour.
Ai-je inventé ce souvenir ?
Mon plaisir de lire est-il vraiment né de ce matin là ?
Impossible à savoir. Il faudrait m’ouvrir le cerveau et regarder dedans pour s’en assurer.
J’aime à me dire, en tout cas, que ce fut le point de départ, le moment zéro, d’une activité qui ne m’a jamais quitté. Et que je n’ai jamais cessé de renouveler. De la BD au roman, à l’essai historique, au livre de sciences, au recueil de nouvelles, au pensum en économie, jusqu’aux petits pamphlets brochés que l’on trouve parfois en librairie. Et puis aussi surtout, l’actualité, la presse quotidienne et magazine, les news, les journaux que je dévore quotidiennement…
J’ai aimé lire, je crois, parce que l’évocation des mots me faisait plus vibrer et me sentir bien que la fréquentation de mes camarades. Seul, je m’évadais à l’intérieur d’innombrables aventures, d’innombrables héros, d’innombrables univers lointains, et cela me rendait plus heureux, toujours, que les relations avec les autres. Cela m’était plus facile, plus simple, mieux, en quelque sorte, que la vie. Nourrissait plus mon imagination affamée d’extraordinaire.
Aujourd’hui, mon temps de lecture est largement absorbé par les écrans. Je lis de moins en moins de livres. Plus aucun magazine ou journal sur papier. D’une certaine manière, à mon grand dépit. Parce que, professionnel du monde numérique, je sais quelles destructions il cause à notre capacité de concentration et d’apprentissage. Et ce qu’il nous fait perdre en sérénité. La lecture sur papier instaure une relation si particulière avec les mots, si nourrissante pour l’esprit, que même les technologies actuelles ne savent dépasser.
Cela ne change rien à mon plaisir, mais le divertit un peu trop pour des choses de pacotilles, de l’éphémère sans importance, une nuée chronophage d’inputs. C’est un nouveau défi pour mon cerveau. Apprendre à maîtriser ce flux, et à le dompter, pour en faire un allié puissant et précieux, comme les livres l’ont été dans ma vie. Et comme ils recommencent à l’être aujourd’hui…
Mon cher Olivier,
Merci de ce partage. Tintin pour entrer dans la lecture ? Et pourquoi pas, quand on voit ce que tu entreprends actuellement … Moi, c’était La vie du rail …
Et tu sais aussi écrire !
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jean-marie